« J’étais à Besançon, dans la cathédrale, pour le mercredi des Cendres 2025, bondée d’un grand nombre de jeunes.

L’archevêque Mgr Jean-Luc Bouilleret nous a invités à prier pour le cheminement des catéchumènes adultes qui, toujours plus nombreux, dans toute la France, demandent le baptême, en rendant grâce à Dieu vivant pour cette grâce imméritée.

J’ai ensuite découvert qu’une jeune religieuse, sœur Lê, de la communauté l’Escale-Jeunes, fait partie de l’équipe diocésaine du catéchuménat pour adultes (pour la communauté l’Escale, cliquez ici).

Cette année, l’équipe a préparé92 adultes qui, dans la nuit de Pâques, ont été baptisés à Besançon.

En France, ils étaient 10 384 adultes et plus de 7 400 adolescents âgés de 11 à 17 ans. Cela porte à plus de 17 800 le nombre de catéchumènes qui ont reçu le baptême en France, soit une augmentation de 45 % par rapport à 2024.

J’ai gardé dans mon cœur cette grâce, qualifiée d’« inespérée » par l’Église française, et je partage volontiers aujourd’hui cet article paru dans Avvenire, le quotidien de la Conférence épiscopale italienne, qui a interviewé Véronique Margron, prieure provinciale dominicaine, actuelle présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France. Outre quelques clés pour comprendre cette augmentation, Mère Véronique signale également un archipel plus vaste de signes positifs sur la vitalité ecclésiale. Bonne lecture ».

Sœur Paola Arosio, Rome

Avvenire, 19 avril 2025

Le cas : « Voici comment s’explique le boom des catéchumènes en France »

par Daniele Zappalà, Paris

Pour la théologienne morale Véronique Margron, le désir de spiritualité et de communauté est en croissance. Ceux qui s’approchent de la foi le font parce qu’ils ont aussi besoin de soutien dans un monde difficile.

«Il n’est jamais trop tard pour se faire baptiser ! », rappellent les dépliants disponibles dans de nombreuses églises françaises. Un message qui touche un nombre croissant d’adolescents et d’adultes, prêts à devenir catéchumènes pour recevoir le baptême, la confirmation et la communion, après un parcours de deux ans. Ce phénomène déjoue le pessimisme de nombreux « experts » et constitue également un signe particulièrement bienvenu en cette Année jubilaire de l’Espérance, après le sombre chapitre de la crise des abus dans l’Église française.

Parmi les premiers à le souligner, figurait une religieuse intellectuelle devenue une référence pour de nombreux fidèles bouleversés, notamment grâce à ses interventions et à ses livres (en Italie, Queriniana a publié Fedeltà. Infedeltà. Questione viva). La dominicaine Véronique Margron, prieure provinciale de son ordre, est une théologienne morale très appréciée, enseignante dans de prestigieuses universités catholiques. Depuis 2016, elle préside la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), un organe qui dialogue avec la Conférence épiscopale transalpine.

Pour elle, les quelque 18 000 catéchumènes qui arriveront aux fonts baptismaux à Pâques 2025 constituent un indice précieux, même s’il n’est pas facile à interpréter.

Êtes-vous surprise par ce phénomène ?

Les voies du Seigneur sont mystérieuses. Nous pouvons nous réjouir de cette bonne nouvelle. Mais je ne suis pas vraiment surprise, car une conjonction de facteurs explique au moins en partie ces chiffres records.

Avez-vous observé cela de près ?

Pas autant que d’autres. Mais je serai la marraine d’un de ces catéchumènes. De plus, plusieurs consœurs m’ont parlé de ceux qu’elles suivent. Il semble y avoir un contexte propice à une réflexion approfondie. Les questions écologiques, la guerre à nos portes, l’incertitude croissante quant à l’avenir, une certaine vanité du monde consumériste et de l’instantanéité : ces facteurs, selon moi, font que la question spirituelle, qu’elle soit profane ou religieuse, se pose beaucoup plus. En tant qu’êtres humains, nous avons toujours besoin de nous transcender et certaines circonstances nous le rappellent. Parmi ceux qui s’interrogent, une partie s’oriente vers la foi chrétienne et non vers des traditions plus ésotériques. Je me demande s’il s’agit d’une redécouverte de Dieu qui se fait homme. Mais il me semble que le fait de se reconnaître dans une communauté a plus d’importance, car dans nos sociétés fragmentées, il y a un besoin d’identité.

Peut-on dégager un profil type ?

Il y a des jeunes et des moins jeunes, dans des situations très différentes. Ce qu’ils ont en commun, me semble-t-il, c’est la recherche spirituelle et le besoin de répondre collectivement. Il y a un besoin de communauté et de soutien mutuel dans un monde difficile.

La renaissance très admirée de la cathédrale Notre-Dame de Paris s’inscrit-elle dans cette recherche spirituelle ?

Oui, nous avons assisté, on peut le dire, à la résurrection de Notre-Dame, perçue comme une porte d’espoir, résolument à contre-courant du contexte. Pendant une nuit, nous avions tous pensé à l’effondrement imminent de l’édifice, alors qu’aujourd’hui, il n’a jamais été aussi beau.

Mais attention, je ne pense pas qu’on puisse y voir le symbole d’une Église triomphante. Il s’agit d’une beauté absolue jaillie au milieu de la douleur.

Beaucoup se disent positivement surpris par l’écho mondial qu’a eu cette renaissance…

La foi se nourrit aussi d’émotions. À cet égard, de nombreux catéchumènes racontent que la visite d’une église ou d’un autre patrimoine religieux a été pour eux un élément moteur. Des lieux qui symbolisent le recueillement, la beauté, la paix. La foi ne résiste que si elle contient aussi une dose d’émotion liée à des valeurs associées à une forme de gratuité. Une foule immense, composée de dizaines de millions de personnes, a prié pour la renaissance de Notre-Dame.

En 2019, évoquant la crise des abus, vous avez décrit une Église française « en état d’urgence ». Y a-t-il aujourd’hui, avec les catéchumènes, un petit paradoxe ?

Plus que de paradoxe, je parlerais d’événements concomitants. En discutant avec ces catéchumènes, on comprend que pour eux, la question de l’institution ecclésiale est à des années-lumière. Ce sont des personnes qui veulent vivre leur foi avec d’autres. En même temps, il ne manque pas de croyants qui continuent à critiquer, après les scandales, la perte de crédibilité de l’Église. Je rencontre également de nombreux chrétiens engagés qui me disent ne pas savoir s’ils vont continuer.

Et pourtant, ces catéchumènes se tournent précisément vers l’institution. Voyez-vous déjà les premiers fruits du « moment de vérité » lié aux abus, comme le titre de votre livre ?

Difficile à dire. Mais je constate qu’aujourd’hui, les dirigeants de l’Église ne se vantent pas du tout de l’augmentation du nombre de catéchumènes. Ces derniers ne sont pas mis en relation avec la pastorale, mais ils sont interprétés comme une grâce inattendue. Je vois donc déjà au moins ce fruit précieux, la modestie.

Existe-t-il un archipel plus vaste de signes positifs de la vitalité ecclésiale ?

Oui. Je pense notamment à la grande réunion des lycéens de la région parisienne en pèlerinage à Lourdes, le Frat, qui vient de battre un record absolu de participation dans une ambiance très joyeuse, avec 13 500 jeunes. Il existe donc une jeunesse chrétienne qui prend le relais. Une jeunesse qui semble convaincue et motivée, se sentant minoritaire dans la société. Mais les institutions doivent s’interroger sur la manière de leur donner une place juste.

Un certain catastrophisme sur la sécularisation « irréversible » a-t-il abouti à une impasse ?

Je dirais que les besoins spirituels des gens ont été sous-estimés. Imaginer qu’une société puisse se séculariser au point de tout confier à la raison est pour moi une illusion. De l’aveuglement pur. Lorsque nous perdons un être cher, ou dans de nombreuses autres situations difficiles, nous ne pouvons pas nous fier uniquement à des réponses rationnelles.

Qu’est-ce qui nourrit votre espoir, sur le plan personnel ?

La capacité que nous conservons à lutter contre ce qui semble être une fatalité. Je l’ai encore mieux compris aux côtés des victimes de violences sexuelles. L’espoir, dans cette voie, réapparaît lorsque les liens interpersonnels sont rétablis. C’est également le cas des nouveaux catéchumènes, tous acteurs de liens humains spirituels et féconds. Voilà ce qu’est pour moi l’espoir.

Source : https://www.avvenire.it/chiesa/pagine/boom-di-catecumeni-in-francia-risposta-al-deside

Pour la photo de Véronique Margron, source François Bouchon / Le Figaro